12 Juillet 2012
Et pour la joie de ses yeux trop maquillés, oui elle dégage une joie, une insouciance, une énergie jeune (c'est une femme-enfant) et solaire de la typique (excusez l'expression) girl next door californienne ; plus elle nous semble heureuse, plus on a envie de lui sourire. Qu'elle baisse la tête et il sera facile de lui briser la nuque.
Seulement l'icône d'une Amérique déchue qu'ils disent partout, comment empêcher cette trop grande nation, qui dérive et suinte ses gangsters du Nevada, son anarchie du Texas, de regretter son âge d'or perdu ? L'Amérique qui s'égare entre Britney et Frank Sinatra, que la Del Rey aura su aimer avec la même intensité, ne permettant jamais à de nouveaux artistes d'effleurer ses oreilles, peur du nouveau et de l'étranger, elle ne l'avouera qu'à demi-voix.
Les aspects abordés sont donc très niais, évoquant de vieilles recettes archi-usées : la célébrité, le rêve américain, la nostalgie, l'amour. Dieu sait pourtant que c'est de là qu'elle tient sa fraîcheur de petite fille qui s'étonne d'un rien, le côté attirant à la Marilyn, la thématique "Like a Virgin" que proposa la Madonne. Les joies naïves et la violence à fleur de peau, toujours. Imiter les grands, vouer la même adoration à Hollywood et au Bronx. On lui reprocherait donc d'être américaine ? Mais les enfants c'est ça les Etats-Unis, retranchés sur leurs idéaux et leur nationalisme qu'ils tentent de mondialiser.
La presse déplore très souvent cette exploitation facile d'une même thématique très artificielle. Mais elle lui correspond. De plus, ses mots ne peuvent être plus vides que ceux de Katy Perry ou Pitbull, au moins prend-elle le temps de les écrire, peu importe si elle doit révéler qu'elle-même, Lana j'entends, est vide. "Minauderies de cheerleader" selon Le Monde, mais on oublie alors de tirer sur toutes les voix trafiquées qui hantent actuellement le marché. On ne citera personne. Lana, elle, a cette faculté terrible d'illusioniste de transformer une piscine en scène glamour. De transformer son passé en conte de fées. Elle sait mentir avec brio, qui sait dire avec autant d'intensité dans la voix "Seigneur tu es magnifique" ? "Aussi superficielle que l'application du mascara sur les cils" précise le Michigan Daily.
Je sais pourtant qu'il y a des jours où, étonnamment j'ai besoin de ces histoires sans grand fondement, fascinantes dans leur absurdité et leurs procédés simplistes. L'équivalent au cinéma serait sans doute l'infâme "Bus Stop", que l'on a souvent décrit comme une des peintures les plus réalistes qui soit de l'esprit américain. Et puis cet univers est bien à elle. Le Point parle d'"ambiance schizophrène", de "subtil mélande de modernité et de nostalgie du glamour hollywoodien des années 50", le tout bercé par une ambiance "rappelant les films de David Lynch". L'Express ajoute les termes "romantisme noir, glamour fifties et stuc hollywoodien". Oui c'est tout ce qu'elle peut faire, mais elle sait le faire et elle le fait bien.
Tiens parlons-en du cinéma et du visuel ! Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas vu des vidéos aussi soignées, on pense à Lady Gaga qui malgré le renouveau qu'elle proposa n'a pu atteindre le niveau de Carmen ou National Anthem, la petite princesse de la pop ne sachant encore se débarasser de ces classiques lourdes allusions sexuelles. La Del Rey sait comment provoquer plus intelligemment, en rappelant par exemple, la polémique sur la relation cachée ou inexistante de Kennedy et Monroe, plongée dans un bain rétro opressant, mêlant le tout à une critique ouverte du racisme et à un hommage au hip-hop controversé avec la gracieuse colaboration d'A$ap Rocky.
Elle nous égare aussi. Entre sa très réussie reprise de "Goddbye Kiss" un titre du groupe rock Kasabian, son duo soul avec Bobby Womack, et celui avec le collectif rap A$ap Mob, il est de plus en plus dur de la classer dans un genre, peut-être parce qu'elle sait tout simplement s'adapter ? Quant aux lives et à la scène, la discipline est presque entrée. Et il me semble que le naturel touche plus que les gros artifices. On lui reproche d'être retouchée de toute part mais lorsqu'elle nous présente le plus épuré des shows, cela ne nous convient toujours pas. Alors ? Tout est psychologie des foules, qui empêche les hommes de faire taire les rumeurs acerbes.
Mais pour en revenir à l'essentiel, peu importe que ses singles fassent rêver et que le reste de l'album distraie seulement, puisque les titres ont été joués à la radio ! Puisque les vidéos ont été vues à la télé ! Car cela signifie qu'elle plaît autant aux musiciens endurcis qu'aux amateurs de dance music. Que tout comme Amy Winehouse l'avait fait, elle va ouvrir la voie à d'autres artistes aussi talentueux, voir plus. Et au fond c'est ça le plus important, populariser la bonne musique, celle qui déclenche des polémiques ailleurs que dans Grazia, s'achète ailleurs que sur les plateformes de téléchargements et ne s'oublie pas.
Peu importe que la qualité de certains morceaux laissent à désirer, si elle sait montrer que la musique américaine est autre chose que Flo Rida ou même Selena Gomez ! Sans cacher que sa voix exceptionnelle saurait sauver n'importe quelle fausse note, la réplique humaine de Jessica Rabbit, inspirée par les poètes Beat et par ses études de philosophie, qui prône la défonce dans ses chansons mais avoue ne plus toucher à l'alcool depuis deux ans, qui se dit "surtout attirée par les images aux couleurs saturées", semble incarner autre chose qu'une success story à l'américaine.
Alors, si elle n'est pas encore parfaite et lisse, c'est finalement tant mieux.