12 Août 2012
Le "guignol Doherty" engage. Shamble pourrait se traduire par "passer en traînant les pieds" ou "scène de carnage". Babyshambles are : Pete(r) Doherty ; Drew McConnell ; Adam Ficek ; Patrick Walden changé plus tard en Mik Whitnall. Ce qu'en dit Pete : "On redescend juste d'un week-end prolongé rock n' roll en Irlande. Belfast et Dublin ont accueilli un grand chelem d'horreurs et de gloire alignés par les Shambles. Psychoses droguées, carnage dans le car, les eaux calmes du port dans la lumière rose de l'aube. Bridges délirants, petits déjeuners au champagne et chips -joie de fouiller dans les poubelles." Voilà qui pose l'atmosphère.
Chaotique et trouble, traversée ça et là de larges éclaircies : "Sur le lit colossal, Clara, un verre de vin à la main, se mesure avec l'ombre qu'elle projette sur la couette. Drew gratouille ma vieille Gibson et des accents mélancoliques filtrent en amont du roulis des accords caressants de... Ah mais quel besoin d'une bande-son mélodieuse à cette scène surréaliste d'une ringardise touchante ?"
On a parlé de néo-punk, de rock garage, de pop-punk. Des frasques du chanteur : relation tulmutueuse avec Kate Moss, autant bonne-enfant que désastreuse avec Amy Winehouse, tout à fait alarmante pour ce qui est de la shooteuse et des tribunaux, etc etc. A vrai dire, dans le fond, c'est surtout qu'on saurait pas trop comment la décrire leur foutue musique. Comme ce premier album, "Down in Albion" (vieux nom poétique de l'Angleterre), plutôt bordellique, du genre "je cache mes mélodies mal-finies et mes compositions hésitantes", mais quand même pas si inquiétant que ça. Dans les 16 titres il y en a bien 5 qui étaient vraiment bons, voir excellents.
"Fuck Forever" - "La Belle et la Bête" (feat. Kate Moss, toute touchante de fragilité) - "Pipedown" - "Sticks and Stones" - "Pentonville" : dures et nobles, très british, ça pue le crack bas de gamme, le "do it yourself", la grisaille et le désir brouillon, la poésie du 19ème mêlée à celle de la Beat generation, les paroles sont toujours très travaillées ; difficile de décrire la grâce en terrains vagues. En revanche la musique, le tandem d'écriture Doherty / Walden, présentent encore quelques longueurs (Pentonville et la Belle) ou des défauts d'arrangements (Fuck, Pipe, Stones).
Pat se barre alors et se pose Mik Whitnall, qui en roublard du punk impulsif comme un gamin, junkie et musicien de talent, vient achever avec brio le travail entamé. Les Shambles sont de retour, et le Royaume-Uni devrait trembler, mais le public, déçu du 1er opus, n'est plus tout à fait au rendez-vous.
Dommage, car l'Ep The Blinding est tout simplement une perle. La voix si étrange de Peter se montre atrocement attachante quand il délire sur la première piste, "Love you but you're green" et "Beg, Steal or Borrow" suivent dans la plus pure tradition des Beatles, puis étonne "I Wish" avec son côté Motown, Blues, années 60, qui finalement leur va comme un gant. Mais c'est au détour de "Sedative" qu'ils s'imposent et prouvent leur valeur. Paradis artificiel, beauté sinistre où l'harmonie, la retenue, la lascivité et résignation, l'instinct, agissent en précieux calmants et se consomment et se consumment. Brilliant.
Enfin les admirateurs ont alors de quoi baver : "Shotter's Nation", grandiose album composé, à l'exception de deux ("Delivery" qui sonne trop Kinks, malgré des paroles et un clip irréprochables, et "French dog Blues" qui, je suis désolée de le dire, renoue avec le franchement pas terminé.), de morceux tous aussi foutrement puissants.
Compositions ambitieuses et arrangements somptueux, paroles dignes d'"Angie" des Stones, tous ces chouettes trucs dans la voix, font que c'est ce que devrait toujours être la musique : Lumineuse. Clôturé par un "Lost art of murder" apte à arracher les tripes au plus froid des hommes sans coeur ( à condition bien sûr d'avoir l'intelligence de ne pas passer à côté du sens de la chanson), c'est certainement le meilleur indé que j'ai jamais eu à entendre. Et Dieu sait que j'en ai écouté ; et ça m'a tué, qu'on puisse faire tout ça pour une seule et même femme, la petite Kate, dit le leader, ça m'a tué.
Où sont passés ces mecs prometteurs ? Au fond les Babyshambles c'est peut-être seulement "le langage d'un temps depuis longtemps révolu. Qui n'a peut-être jamais existé. Je ne sais pas s'il est possible d'être nostalgique d'un temps qui n'a jamais existé, mais je pense que je le suis." (Peter Doherty)
J'espère ne choquer personne. Bah ils vont probablement devenir vos meilleurs potes. Et pour pouvoir tout comprendre : The Libertines est l'ancien groupe de Peter.